Interview de Stéphane Larue – Bernard
Interview de Stéphane Larue – Bernard
Vous peignez depuis le milieu des années 70. Après une période consacrée à la peinture abstraite, vous vous tournez vers la peinture figurative au début des années 80. Comment s’est opéré le passage de l’un à l’autre ?
Mes travaux abstraits s’apparentent à de l’écriture automatique ; il s’agit de tableaux dépouillés, des peintures à l’huile, traversés par un rythme ou une structure. Ces structures abstraites ont pris petit à petit forme à mes yeux : de grandes lignes verticales devenaient colonnes, schématiques au départ, puis de manière onirique, végétales ou animales. La nécessité de représenter l’humain s’est fait ressentir à partir de ce travail sur les colonnes, d’abord sans modèle, avec des formes très élémentaires – les ophélias, personnages féminins allongés, sont par exemple issus du renversement des colonnes. Mais petit à petit la présence humaine d’un modèle comme source d’inspiration est devenue incontournable.
Vous travaillez avec des modèles depuis le milieu des années 80. Comment s’organise votre travail avec eux ?
Je travaille sur un thème différent pour chaque série de peintures : les hommes, les travestissements, les nourritures terrestres, les insectes… en mettant en place un dispositif particulier avec le modèle vivant. De manière générale, le modèle vient à l’atelier avec un objet de son choix en rapport avec le thème, et je le laisse se mettre en scène. Sa parole et la façon qu’il a de s’approprier le thème ont une influence déterminante sur la manière dont je vais interpréter le tableau vivant qui se façonne devant mes yeux. Ce pourrait être intéressant ici de reproduire brièvement l’anecdote de la fille coccinelle, mais je ne me souviens pas des détails…
Pour les œuvres récentes que vous présentez au CRAC, le modèle n’est plus seul mais accompagné…
Pour cette série de peintures intitulée Conversations, le dispositif est sensiblement différent : l’idée m’est venue en discutant avec Arnold Pasquier, qui avait déjà été modèle sur des séries précédentes, et qu’on retrouve ici sur toutes les toiles. Arnold et un ou deux autres modèles se retrouvent dans mon atelier, et engagent sous mes yeux une conversation informelle sur le thème « Le Pays que nous désirons ». La discussion n’est pas structurée et peut partir dans toutes les directions, en fonction de l’humeur des modèles : Arnold, qui choisit invariablement l’Italie comme pays désiré, peut par exemple évoquer le cinéma italien, d’où la référence à Pasolini dans une de mes peintures. De mon côté, je capte les émotions qui surgissent de ces rencontres et je les interprète directement sur la toile. Cette exposition aurait aussi pu s’intitulerRencontres.